dimanche 22 mars 2015

Alejandra Odgers, compositeure

 Je me suis souvent imaginé composer de la musique. Mais comment devient-on compositeur? J'ai connu la compositeure Alejandra Odgers à l'Ensemble Vocal Polymnie de Longueuil et nous avons collaborés par la suite lors d'un contrat d'éveil musical pour la ville de Longueuil. Alejandra a gagné un prix en art de la scène, au Galade la culture de Longueuil pour sa pièce intitulée "Moemi", qu'elle a composé lors de son doctorat. Je l'ai rencontré chez elle.


Comment en es-tu venu à composer?
À l'âge de 8 ans au Mexique, j'ai commencé des cours d'éveil musical.  On utilisait une méthode mexicaine inspirée de Kodaly qui utilise de nombreux d'instruments de percussion. Un peu plus tard, ma grand-mère a déménagé proche de chez nous et elle avait un piano. J'ai donc commencé les cours de piano. Je suis entré par la suite dans une école de musique plus professionnelle Mais la compagnie d'autres musiciens me manquait. J'ai donc décidé d'étudier aussi un instrument d'orchestre, j'ai choisi le hautbois. Au cours de mes études j'ai rencontré un professeur-compositeur, du Mexique qui s'appelle Mario Lavista. Ce sont ses cours d'analyse qui m'ont donné donné le goût de composer.

Qu'est-ce qui t'a amené au Québec?
En 2002, j'avais un copain qui avait décidé de venir faire des études en musique ici à Montréal, je voulais l'accompagner et étudier ici moi aussi. On a fait la demande, entretemps notre relation s'est terminée, mais j'étais déjà accepté à l'Université de Montréal. J'ai décidé de venir et j'ai fait ma maîtrise en composition. Au cours de mes études j'ai suivi un cours d'orchestration avec Alain Belkin, ce fut comme si j'avais trouvé la 3e dimension dans la musique et une nouvelle perspective au niveau de mes oreilles. Je suis resté faire le doctorat avec lui en composant des pièces pour orchestre. Pendant ce temps j'ai rencontré mon conjoint. Et donc me voilà ici.


En quoi la culture québécoise a-t-elle influencée ton style de composition?

J'adore manger, bien manger. À chaque printemps je vais dans une cabane à sucre, et une année j'ai découvert la maison de la culture amérindienne où ils préparent un repas du temps des sucres. Pas le repas traditionnel québécois auquel on est habitué, mais un qui se base sur des aliments qui étaient mangés ici par les gens des premières nations. Ce qui m'attirait le plus là bas, c'est qu'il y avait un spectacle avec une femme abénaquise et des chants traditionnels. J'y suis allée, on y racontait des légendes, des traditions ainsi que des contes. La dame chantait et nous a fait danser. À cette époque, j'avais prévu composer ma pièce de doctorat basée sur des chants traditionnels de mon pays d'origine, le Mexique, mais je me suis dit non, j'ai quelqu'un ici à côté et je vais faire une des pièces de mon doctorat sur des pièces abénaquises. J'ai interviewé la dame et j'ai enregistré plusieurs de ses chansons, dont je me suis inspiré pour composer une pièce qui a été créée par l'Orchestre de l'Université de Montréal. J'ai ensuite adapté une berceuse en une version pour harpe et voix, enregistrée dans le cd "Après le jour". (C'est le 2e cd dans le liens suivant)

http://claudineledoux.com/boutique-discographie/

J'en ai fais aussi un arrangement pour choeur qui a été créé par l'Ensemble Vocal Polymnie de Longueuil qui l'a interprété lors d'une tournée en France ainsi que dans les journées d'ouverture de la maison symphonique. La pièce s'intitule "Naahua".

Que signifie "Naahua"?

Selon la langue abénaquise, cela signifie "vient, vient petit enfant". À l'origine c'était un chant de naissance. Madame Nicole Obomsawin me racontait qu'à l'époque il y avait beaucoup de décès de nouveau-nés, c'était un chant pour dire au bébé: "vient, reste avec nous", c'était un chant d'accouchement. Maintenant c'est avec ce chant que les enfants abénaquis s'endorment.


Parles-moi un peu de ta composition "Moemi".

J'ai décidé de composer des pièces pour des instruments pour lesquels on compose rarement. J'avais décidé au point de départ de créer un concerto pour la clarinette basse, un concerto pour le marimba et un dernier pour la voix.

Pourquoi le marimba?

 Pour moi c'était un instrument très important. D'une part parce que c'est un instrument traditionnel du Mexique. D'autre part, quand j'ai commencé à apprendre la musique,  le marimba était mon instrument préféré. J'ai eu la chance de rencontrer Catherine Meunier, une percussionniste dont la spécialité est le marimba. J'ai pu travailler avec elle pour ma composition. Je composais un morceau je l'essayais avec elle, elle me faisait des suggestions. Elle m'a montré les possibilités sonores du marimba, différentes sortes de baguettes, différentes façons de jouer et c'est avec ça que j'ai écrit cette pièce.


https://www.youtube.com/watch?v=mMI8a_s1AiI

D'où vient le nom Moemi? 

Durant le processus de composition, je cherchais des rythmes intéressants. Dans le 2e mouvement, la première partie utilise des rythmes mexicains, qui alternent des mesures de 6/8 et de 3/4.  J'ai un bon ami qui avait voyagé beaucoup, il a joué toutes sortes de genres de musique. Je lui ai demandé de m'envoyer des rythmes qu'il aimait d'un peu partout dans le monde. J'en ai choisi 3, que j'ai utilisé pour la 2e partie du 2e mouvement. Pour remercier cet ami de l'apport qu'il avait fait à cette pièce, je l'ai nommé au nom de sa fille.



Quel conseil donnerais-tu à un étudiant en composition?

Je dirais deux choses. La première est de bien connaître les pièces qui se font partout dans le monde  pour ne pas réinventer quelque chose qui s'est déjà fait, de chercher à écouter beaucoup de musique, d'explorer différentes techniques de composition.  Ça c'est le côté formation. Une fois qu'on a cette formation, c'est très important de se connaître et de rester soi-même, d''être fidèle à ce qu'on est. Ce qu'on peut apporter comme artiste c'est notre vécu, notre expérience, notre voix. Si l'on tente de composer comme quelqu'un d'autre, pour faire plaisir à un professeur par exemple on ne sera jamais aussi bon que cette personne.  Il faut être fidèle à ce qu'on est, à ce qu'on aime. Suivre ce qui nous parle et composer avec ça, c'est ainsi qu'on arrive à apporter quelque chose de nouveau, de sincère et peut-être d'important. 

Je vous invite à consulter le site web de Alejandra:

http://aleodgers.wix.com/alejandra-odgers

Dans l'onglet Gallerie, vous pourrez entendre d'autres pièces D'Alejandra Odgers.

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